lundi 15 avril 2013

Yeah Yeah Yeahs - "Mosquito" LP



 Survivants de la scène art-rock new-yorkaise du début des années 2000, plus connue pour ses effets de style que ses tubes, Yeah Yeah Yeahs poursuit sa route patiemment, avec un quatrième album au nom et à la pochette pour le moins déroutants : Mosquito. S'éloignant quelque peu de ses amours electro-rock, le trio s'essaie tout aussi bien au gospel qu'au roots reggae, avec une énergie débordante. 

 La sortie de It's Blitz en 2009 avait affolé la presse musicale : ils étaient nombreux à crier que cet album plein de pépites pop ne pouvait que rejoindre la sphère mainstream. Porté par des singles surpuissants comme Heads Will Roll et Zero, It's Blitz a fait son petit bout de chemin. Mais le groupe -composé de Karen O (chant), Brian Chase (batterie) et Nick Zinner (guitare)- est demeuré assez confidentiel en-dehors de la blogosphère indie. Karen O, s'est depuis affairée, rejoignant le monde du cinéma à plusieurs reprises. Elle a notamment composé la bande-originale de Where The Wild Things Are, dans un style folk délicat. Elle a aussi interprété la chanson d'ouverture de The Girl With The Dragon Tattoo, en collaboration avec Trent Reznor, leader de Nine Inch Nails et figure montante du genre (un Oscar pour sa B.O. de The Social Network, excusez du peu).

Une influence que l'on retrouve sur Buried Alive, en featuring avec Dr.Octagon, personnage créé par le rappeur américain Kool Keith. La guitare empressée, la basse dense et le beat efficace en feraient un parfait générique d'un film d'action ou d'un comic sombre comme Sin City. Une instru travaillée par les soins de James Murphy, leader de feu (et regretté) LCD Soundsystem, prodige s'il en est de l'electro-rock. C'est la première fois que le groupe s'essaie au duo rock/rap, et c'est une réussite.

 Mosquito est en fait une expérimentation à lui seul. Les inhibitions se sont envolées, et Yeah Yeah Yeahs a levé l'ancre vers des ailleurs inexplorés. L'album commence très fort avec Sacrilege, premier single au clip cinématographique, à nouveau. Après quelques secondes d'intro susurrée, batterie puis guitare carillonnante rejoignent la ligne de basse ronronnante, pour un refrain extatique. Surprise : des choeurs gospel s'invitent aux trois quarts du morceau, pour un final puissant, à donner des frissons. Ecrit à la Nouvelle-Orléans, on y retrouve le mystère de cet Etat américain aux nombreuses légendes. Le groupe se fait aussi plaisir sur la déjantée Area 52, faisant référence à l'Area 51, lieu de pèlerinage pour ceux qui croient aux petits hommes verts (comme c'est le cas du bassiste). Difficile de décider si ce pastiche de générique d'animé, est le fruit du génie ou pas.

 Dans un tout autre genre, Yeah Yeah Yeahs s'essaie aussi au roots reggae, la forme la plus connue de reggae, alliant sonorités rock chaloupées et paroles mystiques. Karen O a notamment cité le musicien jamaïcain Dadawah (Ras Michael) comme source d'inspiration. Under The Earth en est directement née : basse ensorcelante, synthés asiatiques (coucou Phoenix et son Entertainment) et percussions tropicales en font un exquis cocktail dansant. Tout comme la très punchy et décalée Mosquito, très éloignée de ce qu'ils ont pu faire jusqu'à présent. Seul indice montrant qu'il s'agit bien des Yeah Yeah Yeahs : le chant atypique de Karen O, rappelant parfois celui de Marilyn Manson, tour à tour lancinant et percutant, grinçant (These Paths) ou profond (Slave). Il faut aussi dire que les paroles sont pour le moins fantas(ti)ques : « Mosquito sing/Mosquito cry/Mosquito live/Mosquito die/Mosquito drink most anything/Whatever's left/Mosquito scream/'I'll suck your blood' » (« Moustique chante/Moustique pleure/Moustique vit/Moustique meurt/Moustique boit presque tout/De ce qu'il reste/Moustique crie/'Je sucerai ton sang' »)


 A part le roots reggae, le trio fait un nouvel usage des synthés, vaporeux façon Air. Comme sur These Paths, un tantinet trop longue mais intéressante dans ses divagations sonores. Always surfe sur cette même vague, un joli tempo hawaïen en prime. Mais il n'en oublie pas pour autant ses racines : Subway est un hommage à New-York, célébré par son underground sombre, dont le cliquetis paisible est recréé. Slave nous montre que  Yeah Yeah Yeahs n'a pas encore épuisé ses ressources alternatives, tout aussi sombres que glamours, mais avec une basse bien plus présente que sur ses précédents disques. Despair -offrant une belle montée en puissance portée par la batterie- et Wedding Song concluent l'album sur une teinte post-punk rappelant The Raveonettes.

 Mosquito en surprendra plus d'un, tant il s'éloigne du passé de Yeah Yeah Yeahs. Il faut quelques écoutes pour en prendre toute l'ampleur. Son énergie est en tout cas communicative, et on ne peut que se réjouir de voir le groupe demeurer créatif et ambitieux. Agité, dansant, calme, il ne vous laissera, à coup sûr, pas indifférent.

Merci à Morgane Giuliani pour cette chouette chronique.(Via Welovemusic.fr)

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